Démarche

Mes tableaux sont réalisés selon un procédé de superpositions de couches. Il m’arrive de comparer ma façon de procéder avec le travail de l’archéologue qui fouille la terre, à la recherche de vestiges du passé. Car c’est bien de temporalité dont il s’agit. En effet, dans mes différentes phases de travail, j’entreprends de me substituer à l’épreuve du temps en essayant de représenter non seulement plastiquement, mais aussi symboliquement, son action sur les images représentées.

Par extension, mon travail est une réflexion sur les rapports entre temporalité et impermanence.

Ma peinture puise avant tout son inspiration à partir d’éléments photographiques qui en constituent la « matière première ». L’image photographique est le point de départ de phases successives qui conduiront à sa transformation. Il s’agit essentiellement de clichés que je réalise moi-même, mais il peut aussi s’agir d’images que je collecte au gré de mes recherches.

La photographie a cette capacité de capter un instant diaphane et de le figer telle une tentative vaine d’échapper au temps, comme pour mieux accéder à l’éternité. Alors j’utilise justement la photo pour prendre à contre-pied son projet initial. Mon action en tant que peintre est d’essayer d’aller au-delà : Tenter de révéler l’invisible, d’insuffler du changement, de l’impermanence à ce moment, afin de mieux symboliser l’action lente mais néanmoins radicale que le temps fait subir à toute chose. Il en va d’ailleurs de même avec les souvenirs : plus l’on s’éloigne d’un instant que l’on souhaiterait éternel et plus l’image que l’on en a s’estompe et se modifie.

Dans mes derniers travaux, le fractionnement de l’image est un autre moyen de représenter le processus de transformation propre à toute chose. L’image présentée est constituée d’une juxtaposition de petits carrés qui, assemblés tel un puzzle, reconstituent son unité et sa cohérence. Mais à travers cet éclatement de l’image, c’est surtout la précarité de ce « tout » que je souhaite révéler, de manière à montrer qu’en réalité rien n’est figé.

Quand l’immuable se mêle à l’éphémère… »

Pourtant la présence de l’élément géométrique dans certains de mes tableaux est une tentative de contrer ce processus. En effet, la géométrie insuffle une touche d’intemporalité propre à toute vérité scientifique, universelle et à ce titre inaltérable. La couleur quand à elle vient créer une tension qui dynamise la relation entre l’image et le signe avec lequel elle est en mise en rapport. L’œuvre porteuse d’un signe géométrique reconnu du spectateur lui permet de s’en approcher comme d’un objet du souvenir qu’il retrouve.

Impermanence : Qualité de ce qui est temporaire »

Depuis quelque temps, j’aborde la question de l’impermanence à travers la représentation de la Nature.

Nous vivons une période où tout semble nous en éloigner.

Marcher longuement de manière intense d’un point à un autre permet comme tout travail physique, sain, de prendre conscience de la vie, d’être au présent, de découvrir le lieu par le corps et de trouver ses racines humaines.

La Nature, soumise au rythme du temps et des saisons, est la représentation du changement lent, régulier et immuable. En revanche, l’Homme, dans sa volonté de maîtrise et de rentabilité tente parfois d’interférer sur un équilibre parfois précaire… Il lui fait alors subir un traumatisme qui peut l’amener à se rebeller.

Nature n’endure mutations soudaines sans grande violence » – François Rabelais, Gargantua.

Selon les mêmes techniques de photographie, retouche numérique, collage, fractionnement et travail en couches successives, j’aboutis à une représentation en noir et blanc comme une sorte d’ombre chinoise proche de la calligraphie. La nature n’est pas en trois dimensions mais présentée comme une sorte de décor plan. Ça n’est pas une nature idéalisée mais plus une nature faisant écho à l’imagerie parfois effrayante des contes pour enfants.

C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain ne l’écoute pas »  – Victor Hugo

Il m’importe ainsi de montrer une Nature vulnérable et parfois inquiétante afin de souligner le danger que lui fait encourir l’Homme à force de vouloir la dominer et la provoquer.